mardi 9 novembre 2021

Tu connais cette sensation, celle où tu as l’impression que ton cœur a triplé de volume et qu’il se serre à la fois, celle qui te donne l’impression qu’il remonte petit à petit ton œsophage comme s’il était prêt à sortir de ta bouche. Cette sensation qui te donne des hauts le coeur, qui crispe tes membres jusqu’à les faire trembler. 
Elle est tellement puissante cette sensation qu’elle te coupe la respiration: tu as comme un menhir posée sur ta cage thoracique et un sac de cailloux dans l’estomac. 

La plupart du temps, elle t’empêche juste de manger, elle t’embrouille le cerveau, tu fonctionnes par automatisme et ton sommeil est entrecoupé de cauchemars mornes ou traumatisants. Et puis parfois, tu deviens gargantua, tu manges à en vomir, tu te construis un mur épais pour survivre au monde extérieur. 
Tu subis tes journées en souriant aux autres et en affichant un bonheur de façade que les vrais savent vite retirer parce qu’ils voient que l’étoile dans tes yeux n’est plus là. 

Tu sais rire et anticiper les moments où tu dois être heureux mais tout résonne comme dans une chapelle trop vide à l’intérieur, tu ne ressens que quand c’est vraiment fort, que quand l’adrénaline du danger réveille tes sensations engourdies.

Ce regard un peu triste et perdu, il attire les prédateurs: ces êtres qui savent détecter les failles d’une personne déjà brisée qui sera plus facile à manipuler ou à utiliser. Ton subconscient résiste tant bien que mal mais la bête noire de la dépression étouffe sa voix et tu t’engouffres dans des voies de plus en plus sombres, sur des chemins tortueux en compagnie douteuse. 

Tu veux sauver les autres en oubliant que c’est toi qu’il faut soigner d’abord. Tu éteins toutes perceptions du danger, tu t’aventures sur des sentiers inconnus pour ressentir à nouveau, tu veux que ton corps vibre à nouveau mais seul les corps à corps avec ceux que tu finis par aimer réveillent ton ardeur devenue si pâle. 

Lorsque la flamme se réveille, elle est brûlante, éblouissante et magnifique mais elle ne dure qu’un instant; cet instant où tu te sens déesse dans les yeux d’un amant qui te désire et te respecte. Cet instant tu le cherches à en devenir folle, tu en as besoin comme une droguée en manque car il n’y a que lui qui te fait sentir la vie qui coule dans tes veines et qui active tes cellules. 

Ce sentiment de toute puissance retrouver, tu te hasardes à accorder ta confiance mais quand la déception te frappe elle est trop brutale, tu n’arrives pas à encaisser parce que la bête noire de la dépression est toujours là, prête à bondir au moindre signe de faiblesse. 

Tu développes des addictions: tu essaies l’alcool qui t’enivres mais c’est trop visible, tu fumes plus que de raison jusqu’à ce que cela devienne interdit. Et puis tu découvres les médicaments: une drogue légale qui t’est autorisée depuis enfant. Tu deviens accro à la sensation de défonce que te procure les opiacés même s’ils te donnent la nausée.

Tous ces moments de faiblesse n’ont pas été sans victime. Tous les gens qui t’ont entouré n’ont pas été que des agneaux. 
Il y en a qui ont su t’utiliser. Il y en a qui ont utilisé ton corps sans ton accord, avec force ou avec ruse, avec douleur ou avec honte. Il y en a qui ont volé ton argent et d’autres ton innocence. Il y en a qui ont laissé des blessures indélébiles. 

La dépression se construit en douceur. Elle se nourrit de nos histoires, de nos pleurs, de nos colères et désespoirs: tout ce qu’on a gardé au fond bien caché et jamais extériorisé. La dépression, on ne la sent pas grandir et on ne sait pas pourquoi mais elle prend le pas sur notre santé physique parce que le mental on le fait taire. La dépression, elle peut tuer. 

Mes armes sont des lames forgées des instants de joie, des revolvers remplis de balles de bonheur, des boucliers durcis par les rires de mes amis, une armure renforcée par leur présence constante.
Par chance ces armes m’empêchent de continuer mes addictions et font appel à ma raison parce que j’aime plus ceux qui m’entourent que je ne m’aime et ça me permet de tenir la barre en direction de demain. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire